« Premier weekend de février, il neige dans le Jura et on annonce des températures négatives dans la région la plus froide de France : la Franche Comté. Mais cela n’empêche pas une étrange procession de gens habillés en jaune qui bloquent tout le village de Poligny pour le weekend ».
Non, il ne s’agit pas d’une manifestation racontée par une chaîne d’actualité mais bien de la 22ème percée du vin jaune du Jura. Pendant 2 jours, le village devient espace œnologique à ciel ouvert ou plutôt un jeu de piste pour déguster la meilleure bouteille parmi la cinquantaine de caveaux qui proposent des dégustations.
Contre un droit d’entrée, on vous fournit un verre sérigraphié et 10 précieux sésames à échanger contre le précieux liquide jaune. Le tout dans une ambiance bon enfant, mélange de carnaval et de feria mais sans les températures estivales.
Le dimanche matin, la journée commence par un passage à l’église pour la bénédiction par
Monseigneur l’évêque Jordy du fût symbolique qui aura ensuite droit à sa procession dans tout le village suivi par les confréries amies du vin jaune.
L’arrivée en fin de matinée sur la place centrale du village suivi par un petit discours des officiels ainsi que l’intronisation du président Philippe Noir, vigneron du Domaine de la Petite Marne et du parrain de l’édition 2019 à savoir Vincent Ferniot dont les origines sont liées à la région.
En 2019 on déguste le millésime 2012
Comment ça 2012? Non le temps n’est pas figé dans le Jura, non ces gens ne vivent pas dans le passé ou dans une faille spacio-temporelle.
Pour comprendre cette subtilité d’un décalage de 6 ans et 3 mois entre les vendanges et la dégustation du millésime il faut remonter à l’histoire du vin jaune.
La légende raconte que la naissance du vin jaune du Jura serait le fruit du hasard. Un jour, un vigneron retrouve au fond de sa cave un fût oublié là 6 ans et 3 mois auparavant.
Depuis, on respecte la tradition avec une mise en perce des fûts en plein cœur de l’hiver le premier weekend de février.
Le vin jaune est un vin blanc sec issu exclusivement du cépage local le Savagnin. Il est produit dans une zone très limitée de 4 AOC : Arbois, Côtes du Jura, Château-Chalon et l’Etoile.
Son élaboration exclusive consiste à le laisser vieillir « sous voile » dans des fûts sans compléter avec la fameuse part des anges.
En termes plus simples, avec le temps un voile composé de levures se forme sur le dessus du vin, le protégeant ainsi d’une oxydation trop rapide.
Lors de ce processus, presque un tiers du vin s’évapore et c’est la raison pour laquelle le contenant appelé Clavelin est une bouteille de 62cl seulement.
L’apport d’oxygène pendant ces 6 ans lui donne une belle couleur dorée qui rappelle de nombreux moelleux mais ne vous fiez surtout pas à cette couleur.
Au nez et en bouche, on retrouve des arômes de fruits secs et ce fameux apport d’oxydation caractéristique. Pour les mauvaises langues, on pourrait imaginer un blanc sec que l’on aurait gardé trop longtemps dans sa cave et que l’on laisse à décanter plusieurs jours avant de le déguster. C’est un vin très clivant que l’on adore ou que l’on déteste, il n’y a pas de juste milieu dans les notes de dégustation.
Bien évidemment, on lui associe volontiers les fromages locaux à savoir le Comté et le Morbier et il est très utilisé comme fond de sauce pour la cuisine Franc-comtoise.
Pour ma part, j’ai une petite préférence pour le Macvin, autre spécialité locale : une eau de vie au moût et marc de Jura. Mais chut, je ne voudrais pas avoir de problème avec les confréries du vin Jaune.
